Recherches

Mon parcours de recherche peut se résumer en trois grandes périodes :
– une socio-anthropologie des dynamiques agraires et associatives en milieu rural ouest-africain (1985-1995) ;
– une socio-anthropologie du foncier, des opérations foncières et des interventions de développement (1995-2008) ;
– une socio-anthropologie des politiques et interventions de développement comme forme d’action publique (depuis 2009), avec un accent particulier sur les politiques et des réformes foncières.

Dynamiques agraires et dynamiques associatives

Mes travaux ont d’abord porté sur les dynamiques agraires au Sahel, et en particulier les stratégies paysannes vis-à-vis de l’irrigation dans un contexte d’émigration internationale et de désengagement de l’Etat (vallée du fleuve Sénégal), et sur les dynamiques associatives et les projets de développement menés par les associations de migrants. Outre ma thèse de doctorat à l’EHESS, et un ouvrage, « La rizière et la valise« , j’ai coordonné ou largement contribué à deux ouvrages collectifs : « Sahels » sur la dynamique des relations sociétés/nature au Sahel (sous la direction de C.Raynaut) et « Les associations paysannes en Afrique » (co-dirigé avec J.P.Jacob).
J’ai prolongé mes travaux sur les dynamiques agraires et la maîtrise de l’eau autour des mutations des grands systèmes irrigués publics (Afrique de l’ouest, Vietnam), et des aménagements de bas-fonds (Afrique sahélienne, Afrique tropicale humide).

J’ai retrouvé plus récemment la question des dynamiques associatives en travaillant sur les projets d’appui à la société civile (« Aide internationale et sociétés civiles au Niger »), puis sur les mobilisations sociales et les luttes contre les dépossessions foncières.

Foncier et interventions de développement

A partir de 1995, alors que je travaillais au Gret, comme chargé de programme puis comme directeur scientifique, j’ai mis l’accent sur deux thèmes articulés : les dynamiques foncières d’une part, et les interventions et politiques de développement, d’autre part.
Centrés sur un questionnement global sur les conditions d’émergence de nouvelles régulations et les impacts des interventions publiques, mes travaux sur le foncier et la gestion des ressources naturelles ont croisé recherches personnelles, coordination de programmes de recherche en partenariat, et animation d’expertises collectives. J’ai en particulier animé entre 1996 et 2008 le Comité Technique Foncier et Développement, coordonné deux ouvrages collectifs de référence (« Quelles politiques foncières pour l’Afrique noire rurale ? », « Gérer le foncier rural en Afrique de l’Ouest »), co-animé deux programmes de recherche en partenariat, et mené une recherche de longue durée (depuis 2002) sur le processus de réforme foncière rurale au Bénin. Plus récemment, j’ai  co-coordonné deux documents de synthèse pour le Comité technique Foncier et développement, l’un en 2009 sur Gouvernance foncière et sécurisation des droits sur la terre, l’autre en 2015 sur La formalisation des droits sur la terre dans les pays du Sud et un ouvrage collectif issu des travaux du Pôle Foncier de Montpellier Foncier rural et développement (sous presse).

Mes travaux sur les politiques et interventions de développement sont centrés sur une problématique d’anthropologie du développement, s’interrogeant sur les interactions entre acteurs en contexte asymétrique, avec un accent particulier, du fait de ma trajectoire et de ma position au Gret, sur l’intervention elle-même, les logiques d’action des « développeurs ». Outre une réflexion sur les questions de participation (« Les enquêtes participatives en débat »), j’ai accompagné de nombreuses « capitalisations d’expérience » au sein du Gret, publiées en particulier dans la série « Coopérer Aujourd’hui« , et qui éclairent différentes facettes de l’intervention de développement vue par les praticiens. J’ai aussi exploré les conditions de collaboration entre recherche en sciences sociales et pratique du développement.

Les interventions de développement comme forme d’action publique

A partir de mon accueil à l’IRD et au LASDEL en 2011, m’appuyant sur les acquis de mes 15 ans de « participation observante » au sein d’un segment spécifique du système d’aide, j’ai reproblématisé mon questionnement sur les interventions de développement sous l’angle de l’action publique dans des pays sous régimes d’aide.

Partant du constat que l’intervention sociale dans les pays sous régime d’aide est le fait d’acteurs multiples et hétérogènes (étatiques, non étatiques ; nationaux, locaux, internationaux ; etc.), je croise anthropologie du développement et analyse de politiques publiques, pour analyser les processus de formulation et de mise en œuvre des politiques publiques et des interventions de développement comme processus pluri-acteurs, articulant différentes échelles et différentes arènes.

Il s’agit d’analyser la façon dont les politiques et les projets de développement sont conçus, négociés, imposés, mis en oeuvre, dans la configuration spécifique des pays en développement. Ces projets et politiques couplent en effet les dilemmes de l’’intervention sociale dans les espaces marginaux, bien analysés par l’analyse des politiques publiques dans les pays industrialisés, et les contradictions des interventions dans les « pays sous régime d’aide » où, du fait d’’une histoire coloniale et post-coloniale, l’’aide internationale, ses financements, ses transferts de modèles, ses institutions, sont devenus un élément structurant des dynamiques sociales et politiques.

Il s’agit de déplacer le regard des espaces locaux où se déploient les interfaces entre
« développeurs » et « développés » pour remonter en amont vers les processus de formulation et négociation des politiques et des projets, dans des rapports complexes et ambigus entre acteurs nationaux et internationaux, contribuant ainsi à une socio-anthropologie de l’Etat en action.

Dans le cadre de mon accueil au LASDEL (Niger), j’ai travaillé trois grands sujets :
* les représentations de l’aide par les acteurs nigériens impliqués dans l’aide et la question de la dépendance à l’aide ;
* les projets d’appui à la société civile;
* et bien sûr les politiques foncières, actuellement en fort renouvellement, et en tension entre une logique de sécurisation des droits locaux, et une logique de privatisation et de développement du marché.

Avec mon recrutement à l’IRD, au sein de l’UMR GRED, j’ai poursuivi mes recherches sur l’action publique (« Une action publique éclatée ?« , « La fabrique de l’action publique dans les pays « sous régime d’aide »), la trajectoire des interventions de développement (Comprendre la trajectoire des interventions de développement, avec JP Jacob), la socio-anthropologie des institutions d’aide (Au coeur des mondes de l’aide internationale, coordonné avec M.Fresia).

Mais j’ai mis à nouveau l’accent sur les processus de production des politiques foncières en Afrique de l’Ouest, avec deux chantiers principaux :
* une analyse longitudinale, sur 20 ans des débats, projets et politiques foncières rurales au Bénin, mettant en évidence les liens complexes entre projets et politiques, et les concurrences entre réseaux d’acteurs, réunissant chacun cadres nationaux experts et bailleurs, et porteurs de visions différentes (jusqu’en 2018) ;
* une recherche sur les échecs successifs des tentatives de réforme foncière au Sénégal, en interrogeant à la fois le « policy process » et l’économie politique du foncier (depuis 2019).

Ce dernier chantier m’amène à explorer les processus d’expansion urbaine par le prisme des modalités foncières des conversions entre terres agricoles et terrains à bâtir, et les luttes contre les dépossessions foncières.

Président de l’APAD (Association pour l’anthropologie du changement social et du développement) depuis juin 2013, je me suis fortement impliqué dans les colloques de 2013 sur « enquêter en contexte d’urgence et de développement » et 2015 sur « la fabrique de l’action publique dans les pays ‘sous régime d’aide' ».